Lutra lutra
La Loutre d'Europe[1] ou Loutre européenne (Lutra lutra)[2], souvent qualifiée de loutre commune dans les pays d'Europe où elle est présente, ou encore loutre d'Eurasie, est une espèce de mammifères carnivores semi-aquatiques et principalement nocturnes, de la famille des Mustélidés (sous-famille Lutrinés). Elle est l'une des trois espèces de loutres se rattachant au genre Lutra. En France métropolitaine, on ne trouve que cette seule espèce de loutre. Autrefois présente sur tout le territoire, elle a disparu au XIXe-XXe siècle d'une grande partie de son aire naturelle de répartition en raison de la chasse qu'on lui a faite, puis de la pollution. En effet, en tête de réseau trophique, la loutre bioaccumule de nombreux polluants bioconcentrés tout au long de la chaine alimentaire, notamment les polluants non dégradables que sont les métaux lourds et métalloïdes, et divers polluants organiques persistants peu dégradables tels que des organochlorés et des organophosphorés d'origine agricole (pesticides) ou industrielle[3].
Sa hauteur est d'environ 30 cm au garrot. Son pelage, brun foncé, est composé de deux couches : le poil de bourre, court, très fin, dense et laineux ; et le poil de jarre, long, lisse, brillant et imperméable.
Excellente nageuse, elle dispose de pattes palmées, d'un corps allongé (60 à 80 cm en moyenne, auquel il faut ajouter une queue épaisse à la base et s'effilant vers l'extrémité de 30 à 40 cm de longueur), pour un poids pouvant aller de 5 à 15 kg.
Elle est habituellement solitaire, occupant un territoire de 5 à 15 km de rives le long d'un cours d'eau (parfois davantage) ou de 20 à 30 km2 en zone de marais. Elle emprunte régulièrement les mêmes passages sur la berge pour se mettre à l'eau : les « coulées ». Lorsqu’elle sort de l’eau, elle se roule dans l’herbe pour essuyer sa fourrure, sur des zones reconnaissables à l’herbe couchée et appelées « places de ressui ». En montagne on peut la trouver jusqu'à une altitude de 1 300 m.
Elle fait sa tanière (qu’on appelle « catiche ») entre les racines des arbres des berges des cours d'eau ou dans d'autres cavités (cavité rocheuse, tronc creux, terrier d'une autre espèce). La catiche contient souvent une entrée plus ou moins dissimulée au-dessous du niveau d'eau et un conduit d'aération.
La maturité sexuelle est atteinte entre 2 et 3 ans. Le cycle œstral est du type polyœstrus non saisonnier. Des incertitudes persistent en ce qui concerne la durée du cycle. Celle-ci est estimée dans une fourchette de 30 à 45 jours, mais pourrait être inférieure à deux semaines. L’accouplement a lieu principalement dans l’eau et dure de 10 à 50 minutes. La durée de la gestation est de 58 à 60 jours. La taille des portées varie entre 1 et 3 loutrons[4], le ratio sexuel étant de 0,5. La parturition dure 2 à 3 heures, l’expulsion des jeunes peut prendre quelques secondes à 5 minutes, et ce toutes les 20 minutes en moyenne. L’émancipation des jeunes a lieu entre 6 et 18 mois[5].
La Loutre est essentiellement piscivore. Elle se nourrit d'espèces de poissons différentes (anguilles, truites, épinochettes et épinoches) en fonction du milieu et de la saison. Par ailleurs, elles consomment assez fréquemment des batraciens et des écrevisses. Plus exceptionnellement, des oiseaux, des rongeurs (dont jeunes rats musqués), des insectes, voire des baies comme les myrtilles non dédaignées.
La loutre d'Europe a développé un comportement territorial de marquage poussé à l'aide de son urine ou de ses crottes, nommées épreintes (du vieux français épreindre signifiant déféquer par petits tas[6])[7].
Ces dernières, contenant les restes non digérés de ses proies (fréquemment écailles et arêtes de poissons), sont généralement déposées à des endroits précis (sur un caillou, une souche, etc.). Ce marquage joue un rôle important dans la communication entre individus[7].
Les épreintes permettent d'étudier le régime alimentaire et la répartition des loutres dans la nature[7].
La loutre d'Europe se rencontre en Europe occidentale, en Afrique du Nord, et dans une grande partie de l'Asie, de l'Arménie jusqu'au Japon. En Europe, elle est encore abondante au Portugal, en Albanie, en Irlande et en Écosse, ailleurs elle a considérablement régressé.
En outre, espèce jadis indicatrice de la pureté de l'eau, elle colonise à nouveau actuellement des milieux relativement pollués : décharges en Grèce, ports en Écosse et en Scandinavie[8].
Encore présente dans la majeure partie de la France au début du XXe siècle (ses effectifs étaient estimés à 50 000[8]), les effectifs de la loutre d'Europe ont régressé, particulièrement après les années 1930. À la fin du XXe siècle, il restait moins de 1 000 animaux sur le territoire français, ces populations relictuelles ayant trouvé refuge sur la façade atlantique (marais poitevin) et dans le Limousin. Ses causes de disparition sont nombreuses et c'est souvent une corrélation de plusieurs d'entre elles qui engendre sa perte[10].
En France, la loutre n’a qu’un seul ennemi, l'humain. Jadis, on les chassait pour leur fourrure et parce qu’elles concurrençaient les pêcheurs. Espèce jugée nuisible, on piégeait 4 000 loutres par an entre 1890 et 1930. La chasse est aujourd'hui interdite (depuis 1972) ainsi que les pièges à mâchoire depuis 1994, mais la loutre reste, malgré cela, toujours menacée[10]. Parce que la plupart des cours d’eau sont pollués, la loutre ne trouve plus suffisamment de poissons pour s’installer le long des berges et se nourrir. En plus, les berges de nombreux cours d’eau ont été bétonnées ou rectifiées, les arbres n’y poussent plus et les loutres ne peuvent donc plus y installer leur catiche. La loutre d'Europe souffre de l'assèchement des zones humides, de la construction des barrages et de l'emploi intensif des pesticides. Enfin, les collisions routières tuent de nombreuses loutres chaque année, d'où l'aménagement actuel de loutroducs (dérivations de buses le plus souvent).
En 1991 a été ouvert le premier Centre de Reproduction et de Réintroduction des Loutres à Hunawihr (68-France). Dans un premier temps les buts recherchés ont été la reproduction et la création d'une souche de reproducteurs. Par la suite, les efforts ont été tournés vers la réintroduction à partir des animaux issus du centre et la sensibilisation du public. À la suite de l'aval du Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement, une expérience de réintroduction de la loutre européenne en Alsace a vu le jour en 1998. Six loutres ont été relâchées au cours de ce programme dans le Ried Centre Alsace. Elles ont été régulièrement suivies par télémétrie ou par la recherche de leur indice de présence[11]. Si l’essai de réintroduction du Centre de Hunawihr a permis à une petite population de loutres de repeupler une partie des rivières du Centre Alsace, les opérations de réintroduction ne sont pas encouragées actuellement en France. Les mouvements de recolonisation naturelle observés ces dernières années permettent de rester raisonnablement optimistes quant à l’avenir de la loutre à l’échelle nationale[12].
En effet, grâce à la protection juridique de l'espèce mais aussi à l'action d'associations de protection de la nature, la Loutre a commencé à reconstituer sa population (repeuplement naturel) : ses effectifs sont estimés entre 2 000 et 3 000[8] ; en Bretagne, sur la façade atlantique et dans le Massif central, principales régions où des populations avaient subsisté, on observe depuis quelques années un début de recolonisation des cours d'eau où elle avait été exterminée[13].
Le ruisseau de Kerhoat Bénoal peu avant sa confluence avec la Laïta ; un refuge pour la loutre d'Europe.
Panneau d'information touristique sur la loutre d'Europe à Kerhoat Bénoal en Guidel.
Loutre d'Europe de l'étang de Bouzaire à Guérande, photographiée de nuit
La Loutre (comme le Castor d'Europe et le Vison d'Europe qui partagent le même habitat) peut être facilement accidentellement tuée par des pièges destinés à des espèces dites nuisibles (telles que le Rat musqué ou le Ragondin). Pour éviter ceci un arrêté du 8 juillet 2013, abrogé et remplacé par un nouvel arrêté du 24 mars 2014 (J.O. du 2 avril 2014, pour une entrée en vigueur le 1er juillet[14]) interdisent les pièges tuant de catégories 2 et 5, dans les zones de présence de ces espèces (ces zones sont définies par arrêté préfectoral mis à jour annuellement).
L'histoire des interactions des activités de la loutre et des activités humaines est au moins millénaire.
La loutre, comme de nombreux prédateurs a fait partie des animaux redoutés ou mal-aimés.. Elle avait au milieu du XXe siècle en Europe été presque partout décimée, pour sa fourrure, encore plus appréciée que celle du castor, et parce qu'elle décimait les élevages ou stocks de poissons dits viviers.
« La chair de la loutre se mange en maigre, & a, en effet, un mauvais goût de poisson, ou plutôt de marais. Les chiens chassent la loutre volontiers, & l'atteignent aisément lorsqu'elle est éloignée de son gîte & de l'eau; mais quand ils l'assaillent, elle se défend, les mord cruellement, & quelquefois avec tant de force & d'acharnement, qu'elle leur brise les os des jambes, & qu'il faut la tuer pour lui faire lâcher la prise. »
« M. Jean Lots de l'Université de Lund en Scanie, & Membre de l'Académie de Stockholm, a publié un Mémoire sur la manière de dresser la loutre pour prendre du poisson: il faut qu'elle soit jeune: on la nourrit d'abord pendant quelques jours avec du poisson et de l'eau et ensuite on mêle de plus en plus dans cette eau, du lait, de la soupe, des choux & des herbes ; & dès qu'on s’aperçoit que cet animal s'habitue à cette espèce d'aliment, on lui retranche presque entièrement les poissons, & en leur place on substitue du pain, dont il se nourrit très bien. Enfin il ne faut plus lui donner ni poissons entiers, ni intestins, mais seulement des têtes & on dresse ensuite l'animal à rapporter, comme on dresse un chien. Lorsqu'il rapporte tout ce qu'on veut, on le mène sur le bord d'un ruisseau clair : on lui jette du poisson qu'il a bientôt joint, et qu'on lui fait rapporter, et on lui donne la tête pour récompense. Un homme de la Scanie, par le secours d'une loutre, ainsi dressée, prenait journellement autant de poissons qu'il lui en fallait pour nourrir toute sa famille. Au reste, cette manière de chasser n'est pas nouvelle en Suède, et doit avoir été beaucoup plus commune autrefois qu'aujourd'hui, puisque Jonston, dans son Histoire des animaux, rapporte que les cuisiniers en Suède avoient l'usage d'envoyer des loutres dans les viviers, pour leur apporter du poisson.
Quoi qu'il en soit, il parait que ce n'est pas une loi commune, que toutes les loutres soient ainsi susceptibles d'éducation, sans cela, on en verrait certainement davantage, & elles nous serviraient pour la pèche, comme nos chiens nous fervent pour la chasse. Toutes les jeunes loutres que M. Buffon a voulu priver, cherchaient à mordre, même en prenant du lait, & avant d'être allez fortes pour mâcher du poisson : au bout de quelques jours, elles devenaient plus douces ; mais ce n'était peut-être que parce qu’elles étaient malades & faibles : loin de s'accoutumer à la vie domestique, toutes celles qu'il a voulu faire élever font mortes dans le premier âge. La loutre en général est, de son naturel, sauvage & cruelle : quand elle peut entrer dans un vivier, elle fait ce que le putois fait dans un poulailler ; elle tue beaucoup plus de poissons qu'elle ne peut en manger, & ensuite elle en emporte un dans sa gueule[15]. »
Lure, ville de Haute Saône, Lutra en latin, en son Festival de Cinéma, remet depuis 2013 des loutres en bronze aux Réalisateurs primés.
Lutra lutra
La Loutre d'Europe ou Loutre européenne (Lutra lutra), souvent qualifiée de loutre commune dans les pays d'Europe où elle est présente, ou encore loutre d'Eurasie, est une espèce de mammifères carnivores semi-aquatiques et principalement nocturnes, de la famille des Mustélidés (sous-famille Lutrinés). Elle est l'une des trois espèces de loutres se rattachant au genre Lutra. En France métropolitaine, on ne trouve que cette seule espèce de loutre. Autrefois présente sur tout le territoire, elle a disparu au XIXe-XXe siècle d'une grande partie de son aire naturelle de répartition en raison de la chasse qu'on lui a faite, puis de la pollution. En effet, en tête de réseau trophique, la loutre bioaccumule de nombreux polluants bioconcentrés tout au long de la chaine alimentaire, notamment les polluants non dégradables que sont les métaux lourds et métalloïdes, et divers polluants organiques persistants peu dégradables tels que des organochlorés et des organophosphorés d'origine agricole (pesticides) ou industrielle.