Couronne du Christ, Coussin de belle-mère, Acanthaster pourpre
L’acanthaster pourpre (Acanthaster planci) est une espèce d’étoiles de mer de couleurs vives, de la famille des Acanthasteridae, de la classe des Valvatida (anciennement Spinulosida). Elle est aussi appelée « couronne du Christ » ou « couronne d’épines » ou encore « coussin de belle-mère »[1],[2].
Cette espèce carnassière vit dans les récifs coralliens de la zone tropicale du bassin Indo-Pacifique ; elle se nourrit presque exclusivement de corail. De dimensions imposantes, de couleurs et de morphologie variables, elle est dotée de piquants dont le venin, qui provoque la nécrose des tissus, est toxique pour un grand nombre d’espèces, l’Homme y compris, ce qui lui fait craindre peu de prédateurs. Sa capacité de reproduction est très importante, les femelles pouvant produire plusieurs dizaines de millions d’œufs par saison. Les larves, planctoniques, sont particulièrement mobiles et peuvent dériver sur des centaines de kilomètres.
L’acanthaster est ainsi connue pour être localement une espèce invasive à fort potentiel de destruction sur les récifs coralliens[3], dont elle consomme les polypes en grande quantité, et elle a fait l’objet de tentatives d’éradication dans certaines régions du monde telles que le Japon ou l’Australie[4]. Les facteurs à l’origine de ces invasions sporadiques des récifs par cette étoile de mer étaient encore à l’étude en 2016[5].
C'est une grosse étoile de mer aux couleurs variables suivant les régions, allant du rouge au violet profond en passant par diverses teintes de gris, de rose, de bleu et de marron, unie ou chamarrée, avec souvent une couleur différente pour les épines[6] ; ces couleurs semblent suivre parfois des variantes géographiques. Toute la face supérieure est couverte de piquants mobiles longs de 4 à 5 cm, rendus venimeux par des composés présents sous leur épiderme[6]. Les piquants sont entourés de pédicellaires, qui protègent les nombreuses papules respiratoires rouge vif. Celles-ci ont la capacité de se rétracter en cas de menace : ce phénomène change la couleur générale de l'étoile pour l'observateur, la faisant généralement apparaître plus sombre[7]. Elle atteint en moyenne de 25 à 40 cm de diamètre, avec un diamètre maximal enregistré de près de 80 cm[6]. Elle possède de 8 à 23 bras plutôt courts, de section triangulaire (cinq chez les juvéniles, seize en moyenne chez l'adulte[6],[8]), rayonnants autour d'un large disque central aplati. Son poids varie de 200 g à 3 kg[8] ; le poids est généralement proportionnel à la taille[9].
De trois à seize madréporites assurent la régulation de la pression hydrostatique interne de l’animal[6].
Comme beaucoup d'étoiles de mer, Acanthaster planci est capable de perdre un ou plusieurs bras sans grand danger pour sa survie : elle peut régénérer le ou les bras manquant(s) à une vitesse de 2,5 mm/mois[6],[10].
Acanthaster planci bleue à Bohol (Philippines).
Spécimen brun-rose, photographié à La Réunion.
Au stade larvaire, cette étoile de mer se nourrit d'algues, d'abord de phytoplancton pélagique (Dinoflagellés et diatomées notamment). Le juvénile, vagile, va tout d'abord se nourrir d'algues encroûtantes (par exemple des Corallinaceae telles que celles des genres Lithothamnium ou Porolithon)[6].
Lorsqu'elle atteint environ 10 mm de diamètre[6], l'acanthaster juvénile devient corallivore et commence à se nourrir principalement des polypes du corail, contre lequel elle va développer un important potentiel de destruction : l'acanthaster adulte escalade les récifs, dévagine son estomac sur le corail, libère ses enzymes digestives puis en absorbe les tissus ainsi liquéfiés. Un seul individu peut ainsi détruire jusqu'à 6 m2 de coraux par an[6]. Un massif corallien en bon état peut supporter entre 1 et 15 acanthasters par hectare[11], mais ce chiffre est aujourd'hui largement dépassé dans de nombreux endroits, notamment en Indonésie et en Australie[12].
Tant qu'ils sont en faible densité, les adultes se nourrissent seulement la nuit, en se tenant à distance les unes des autres et vivant cachées pendant la journée. Mais, poussées par la faim ou la promiscuité lors des grandes invasions, elles deviennent aussi diurnes et peuvent se regrouper en gigantesques fronts de plusieurs centaines d'individus[13]. En 1978, un front de 83 000 individus a été observé au sud de l'île de Tutuila[14] et, sur la Grande Barrière de corail australienne, on a relevé des densités de plus de 14 000 individus/km2[12]. Ces fronts invasifs laissent sur leur passage une large bande blanche de corail mort, qui peut par la suite se recouvrir d'algues pour former à terme une bande verte (où pourront proliférer des algues toxiques comme Gambierdiscus toxicus), qui pourra à son tour provoquer une invasion d'oursins et la fuite des poissons coralliens[15].
L'acanthaster semble s'attaquer préférentiellement à certaines espèces de corail à croissance rapide, comme Acropora, Montipora et Pocillopora[6],[11],[16],[17], mais épargne souvent les espèces protégées par des animaux symbiotiques inquilinistes quand elle le peut (certains Pocillopora, Seriatopora, Stylophora)[18] ou celles où les nématocystes (cellules urticantes des polypes) sont abondantes. Elle évite enfin certaines autres espèces à croissance lente (comme les Porites)[6].
L'acanthaster se nourrit plus pendant l'été, avant la reproduction ; durant les périodes de disette, elle peut vivre sur ses réserves et jeûner pendant près de neuf mois[6]. Dans les cas d'invasion ou de pénurie de nourriture, elle peut s'attaquer à des coraux habituellement évités et, dans les cas extrêmes, l'intégralité du corail peut même être consommée sans distinction, ainsi qu'une grande partie de la faune sessile (éponges, gorgones). Elle peut aussi se nourrir occasionnellement d'algues, de mollusques et d'autres échinodermes, ou même pratiquer le cannibalisme si nécessaire (notamment envers les jeunes)[11].
Groupe d'acanthasters se nourrissant dans du corail (Acropora).
Les acanthasters sont sensibles au contact (qui provoque notamment la sécrétion du venin et la rétractation des papules respiratoires), ainsi qu'à certains composés chimiques présents dans l'eau[19]. Elles sont ainsi capables de communiquer par signaux chimiques, notamment pour la reproduction, le nourrissage ou dans les cas d'aggrégations[20]. Chaque bras comporte à son extrémité une petite ocelle composée qui permet une vision rudimentaire[21] mais suffisante pour conditionner l'orientation[21], et pourrait jouer un rôle dans l'orientation et la sélection de la nourriture[22], ainsi que l'orientation à certaines distances[21]. De plus, l'ensemble du corps semble parcouru de nerfs pourvus de photorécepteurs permettant de capter les variations de luminosité[21].
L'acanthaster se déplace grâce aux nombreux podias qui tapissent sa face inférieure. Ce sont des excroissances charnues partiellement rétractiles, très mobiles et adhésives, grâce auxquelles elle peut déplacer son imposante masse sur des surfaces verticales, même en cas de houle.
Sa vitesse de déplacement dépend du type de terrain et de l'activité de l'acanthaster. Elle varie de 20 à 30 mètres par heure[5] sur du sable à 0,25 mètre par heure sur du corail, quand elle se nourrit[6]. De gros adultes ont été observés se déplaçant de plus de 500 m en une journée (ce qui demeure exceptionnel et ne permet pas des migrations internationales significatives des adultes)[5]. En moyenne, les acanthasters ne parcourent pas plus d'une trentaine de mètres par jour, et ne le font que quand elles ont terminé de consommer les ressources alimentaires de leur habitat initial[5].
Quand elle est dérangée, l'acanthaster est capable de se mettre en boule pour protéger sa face ventrale plus vulnérable ; dans cet état, elle peut rouler plusieurs mètres avant de se rétablir une fois la menace disparue.
Face orale d'une acanthaster, montrant les nombreux podia.
Une acanthaster escaladant le corail aux Îles Fidji.
Cette espèce est dioïque (c'est-à-dire à sexes séparés) ; les gamètes sont émis dans l'eau de mer à la période la plus chaude de l'année. Les individus essaient de synchroniser la reproduction, et adoptent généralement une position bombée caractéristique au sommet d'un bloc de corail pour optimiser la dispersion des gamètes. Une seule femelle peut émettre de 4 à 65 millions d’œufs en une seule fois[6]. La fertilisation sera meilleure s’il y a agrégation des individus (provoquée par communication hormonale[6]) mais elle est encore très bonne à 8 m[6]. Le taux de fertilisation est encore de 5,8 % à 100 m de distance avec un seul mâle, ce qui est sans doute un record chez les échinodermes et même la plupart des organismes marins[23]. La synchronisation de la période de reproduction est, semble-t-il, déterminée par des phéromones[6].
La fécondité des femelles est liée à leur masse. En moyenne, une femelle d'une taille donnée pourra pondre :
Les capacités de régénération de cette étoile lui permettent, si elle se retrouve coupée en deux, de former deux individus autonomes à condition que les moitiés d'étoiles ne soient pas victimes d'infection, de parasitisme ou de prédation avant les 6 semaines nécessaires à la cicatrisation complète[25], période durant laquelle la plaie rend les individus particulièrement vulnérables[26]. La régénération à partir de plus petites parties semble plus rare, et cette étoile ne semble pas capable de reconstituer un individu complet à partir d'un seul bras, ce qui est l'apanage de certaines espèces de la famille des Ophidiasteridae[27]. Pour ces raisons, la reproduction asexuée est très limitée chez cette espèce, et l'autotomie reproductive n'a jamais été observée.
Les œufs puis larves ainsi produits peuvent dériver sur de très longues distances au gré des courants, rendant difficile l'étude de la dynamique migratoire de l'espèce. Les acanthasters passent par deux stades larvaires : le stade bipinnaria (4e à 5e jour), puis le stade brachiolaria (6e à 12e jours)[6]. Suivant l'abondance de nourriture, la forme pélagique peut ainsi durer entre 14 et plus de 50 jours (avec un optimum à 22 jours[5]), permettant aux larves de dériver sur de grandes distances, jusqu'à 300 km[11] ; on observe toutefois une connectivité limitée au-delà de 1 000 km[5]. Leur taux de survie diminue nettement avec la durée de la période planctonique (0,82% à 30 jours, 0,03% à 50 jours)[5]. Elles se nourrissent de phytoplancton et sont la proie des nombreux planctonivores et en particulier du corail près des récifs. La sous-alimentation semble cependant être la cause principale de l'importante mortalité à ce stade ; inversement, la sur-nutrition pourrait jouer un rôle déterminant dans les invasions, permettant également d'accélérer le développement de l'animal[28]. La température optimale pour leur survie est de 26 à 28 °C ; des températures inférieures à 14 °C ou supérieure à 33 °C leur sont létales[6].
Une fois atteint le stade compétent, la larve mature se fixe ensuite à partir du 12e jour[6] à un substrat (généralement des algues corallinales poussant sur du corail mort[5]) pour entamer, en phase larvaire benthique, une première métamorphose vers un stade herbivore, avec une forme déjà reconnaissable de petite étoile de mer à cinq branches, forme qu'elle conservera jusqu'à atteindre une taille suffisante pour s'aventurer en terrain découvert et commencer à consommer du corail (généralement 10 mm[6]). La question de la profondeur préférée du lieu de fixation est encore largement non-résolue : on a longtemps pensé que les juvéniles étaient plus abondants en crêtes de récifs, mais le recrutement pourrait aussi se faire au pied des tombants coralliens[5].
Le passage de l'herbivorie au régime carnivore est encore peu étudié mais semble être une phase stratégique de la vie de ces étoiles : en effet, au début, les juvéniles sont encore suffisamment vulnérables pour être sévèrement blessés voire tués par les mécanismes de défense du corail, et la prédation du corail sur les juvéniles semble pouvoir jouer un rôle important dans la dynamique de population de l'espèce[29].
La surface de l'estomac d'Acanthaster planci est nettement supérieure à celle des autres étoiles de mer[8], ce qui lui confère une croissance bien plus rapide en cas d'abondance de nourriture[11].
Il faut entre un et trois ans à une acanthaster pour atteindre sa taille adulte[8], le temps d'accumuler suffisamment de réserves pour se métamorphoser. Une fois que ses épines ont bien poussé, elle peut passer plus de temps à se nourrir, n'ayant plus rien à craindre de la plupart des prédateurs, et ainsi s'assurer une croissance rapide et de bonnes chances de reproduction[11]. Bien nourries, ces étoiles peuvent croître de 10 à 15 cm par an, et atteindre un diamètre de 30 cm en trois ans[5].
Le professeur Charles Birkeland note qu'on assiste souvent à des invasions d'acanthaster trois ans après les épisodes de fortes pluies (notamment avec les cyclones tropicaux), qui lessivent le sol des îles et enrichissent la mer en matière organique, provoquant une prolifération du phytoplancton ; ce phénomène est plus important sur les récifs des îles montagneuses ou très étendues, notamment en présence d'agriculture intensive[14]. Le type de lagon semble jouer aussi un rôle important, un lagon profond et très fermé avec un courant faible favorisant le développement des algues et empêchant la dispersion des larves[14]. Les expériences menées en laboratoire ont enfin mis en évidence une meilleure survie des larves en diminuant la salinité et en augmentant la température[30] : ces deux facteurs peuvent donc eux aussi intervenir dans les phénomènes d'explosion de population.
Il semble que les acanthasters puissent développer deux modes de vie différents suivant les conditions : en cas d'abondance de nourriture et de forte densité de population, la maturité sexuelle arrive très tôt (à l'âge d'un an), au détriment de la croissance, dépassant rarement 25 cm. Ces individus ont tendance à se regrouper et à se reproduire plus rapidement, réduisant également leur espérance de vie (autour de trois ans). Inversement, les individus isolés vont connaître une croissance plus longue, la maturité sexuelle arrivant vers trois ans, et atteindre des tailles beaucoup plus impressionnantes (généralement 40 cm, jusqu'à 80), et ainsi un potentiel reproductif à terme plus important, aidé par une longévité accrue (jusqu'à une dizaine d'années, parfois jusqu'à quatorze ans[5])[31]. L'éthologie connaît elle aussi de grandes différences entre ces deux « modes », puisqu'on constate que, dans les populations invasives, les étoiles semblent adopter un comportement beaucoup plus audacieux et être moins sélectives dans leur recherche de nourriture[31].
Ces deux modes de vie alternatifs coïncident respectivement avec les deux « stratégies » du Modèle évolutif r/K développé par les études sur la dynamique des populations animales. L'acanthaster serait donc l'un des rares animaux à pouvoir changer de stratégie pour s'adapter à son environnement[31]. Cette adaptation concerne cependant plus la vie des individus que l'écologie de l'espèce : l'exceptionnelle fécondité de l'acanthaster la rapproche ainsi résolument de la « stratégie r », d'autant plus que l'absence de soins prodigués à la progéniture et l'existence de cannibalisme, notamment sur les juvéniles, semble incompatible avec une « stratégie K ».
Les épines d'acanthaster sont particulièrement pointues, capables de percer une combinaison de plongée, et rendues encore plus efficaces par leur mobilité, permettant à l'animal d'orienter ses piquants pour en optimiser l'angle de pénétration. La piqûre d'acanthaster inocule un venin puissant proche des stéroïdes (plus précisément des saponines, substances détruisant les parois cellulaires et notamment les cellules sanguines), accompagné d'allergènes, d'anticoagulants, et de toxines peptidiques particulières appelées plancitoxines. Curieusement, la séquence peptidique de ces dernières est relativement proche des DNAse II humaines[32].
Une telle piqûre provoque une vive douleur sur le coup, mais le pic de douleur se situe cependant sur les jours suivant l'envenimation. Très souvent la région autour du point de contact devient inflammatoire avec un érythème et un œdème, ainsi qu'un fort risque d'infection. Le membre piqué va gonfler et s'engourdir, pouvant évoluer jusqu'à la paralysie (doigt, main, pied), symptôme qui peut persister plusieurs semaines[1],[6].
Les envenimations les plus importantes (piqûre multiple, prolongée, etc.) peuvent générer des symptômes généraux tels que des frissons, des nausées et des vomissements, ainsi que parfois des réactions potentiellement dangereuses pour un baigneur isolé (convulsions, paralysie, malaise syncopal, choc anaphylactique, etc.)[1],[6].
D'après certaines sources, il semble que, même des années après, une seconde piqûre déclenche chez certaines personnes une réaction encore plus violente[11].
On la trouve dans les récifs coralliens des régions tropicales depuis la mer Rouge jusqu'à l'océan Indien et l'océan Pacifique, ainsi que tout le long des côtes pacifiques du Panama, jusqu'au Japon, avec une présence notable et invasive dans la grande barrière de corail en Australie[6]. Elle est absente de l'océan Atlantique et donc des Caraïbes. D'après des recherches récentes, il semblerait que cette répartition ait abouti à une séparation en quatre sous-espèces (mer Rouge, océan Indien nord, océan Indien sud, Pacifique), qui n'auraient pas toutes la même capacité à produire des invasions (ce serait là la seule différence de comportement connue entre ces populations)[33]. Les colorations semblent avoir une variabilité supérieure à ce nombre de subdivisions : violettes et bleues en Thaïlande et aux Maldives, souvent orange et parfois grises en Australie, de grises à marron dans le Pacifique et au Japon, vertes et rouges à Hawaï, violettes, bleues ou rouges dans l'océan Indien etc.
L'acanthaster vit dans les eaux marines, à des profondeurs variant de la surface (quand elle n'est pas trop agitée) jusqu'à −65 m[6], les individus matures tendant à se rapprocher de la surface[6]. On la trouve presque toujours à proximité de sa source de nourriture, principalement dans des eaux calmes, car elle n’aime ni le courant, ni le ressac[6],[11].
Elle n’apprécie pas les substrats meubles (comme le sable), où elle a du mal à s'accrocher avec ses pieds ambulacraires, et où elle est davantage exposée à ses prédateurs, surtout lorsqu'elle est à l'état juvénile. Elle se cache normalement de la lumière en journée en se logeant dans des anfractuosités ou sous les colonies de corail, mais devient de plus en plus téméraire avec l'âge[34]. Les jeunes vivent généralement cachés, en profondeur, ne sortant que la nuit tant qu'ils sont vulnérables aux prédateurs[6].
Le mode de vie du stade larvaire pélagique est encore mal connu mais il semble avoir la possibilité de dériver sur de très grandes distances[11], possibilité peut-être augmentée par le trafic maritime humain (les larves pourraient être transportées par ballastage).
L'acanthaster est connue pour s'attaquer préférentiellement au corail à croissance rapide (comme acropora) au profit du corail à croissance lente (comme porites), ce qui favoriserait ainsi la biodiversité au sein d'un récif[11] ; cet effet « bénéfique » semble cependant annihilé lors des invasions massives[35].
Certains animaux peuvent vivre en mutualisme avec les acanthasters, notamment des crevettes nettoyeuses comme la « crevette des astérides » Periclimenes soror[36], qu'on trouve souvent vivant à l'abri des prédateurs entre les piquants de ces étoiles, qu'elles débarrassent des parasites en retour.
Très peu de prédateurs semblent capables de s'attaquer à une Acanthaster planci adulte : les trois seuls animaux consommant régulièrement des individus adultes en bonne santé semblent être le Triton Géant (Charonia tritonis), un gros mollusque gastéropode armé d'un aiguillon venimeux[5], ainsi que les poissons-globes Arothron hispidus et Arothron stellatus[37]. La « couronne d'épines » a cependant quelques autres prédateurs occasionnels[38], peu spécifiques et s'attaquant de préférence aux jeunes adultes et aux juvéniles, tels que d'autres poissons-globes (du genre Arothron[37]), le bec de canne bleuté[38], certains gros balistes (Balistapus undulatus, Balistoides viridescens[38], Pseudobalistes flavimarginatus[37]) et le poisson-napoléon[11], ainsi que d'autres gros mollusques comme le casque cornu (Cassis cornuta), la féroce crevette arlequin (Hymenocera picta)[38], et le ver polychète Pherecardia striata[6] (un charognard capable d'entrer dans un individu abîmé pour l'achever en le dévorant de l'intérieur[26]). D'autres ne consomment occasionnellement que les juvéniles ou les individus affaiblis, comme le mérou lancéolé (Promicrops lanceolatus), la langouste fourchette (Panulirus penicillatus) ou certains crabes de la famille des Xanthidae[6]. On a même observé l'absorption d'un jeune Acanthaster planci par un polype solitaire de Paracorynactis hoplites[39],[5]. La prédation larvaire est très mal connue mais sans doute importante, et des exemples de prédation des œufs et des larves de cette espèce ont été observés de la part de certains coraux ou de certains poissons planctonivores tels que Chromis dimidiata[6].
Le triton géant (Charonia tritonis) est le principal prédateur connu d'Acanthaster planci adulte.
Le poisson-ballon étoilé Arothron stellatus est un prédateur courant de l'acanthaster.
La crevette Arlequin est un prédateur occasionnel de l'acanthaster.
Le ver de feu Pherecardia striata est un prédateur opportuniste de l'acanthaster.
Une étude de 1989 laisse supposer que cette espèce connait des épisodes invasifs depuis au moins 7 000 ans[40]. Cependant, la population de cette espèce d'étoile de mer semble avoir augmenté depuis les années 1970 et être en partie responsable de la diminution des coraux, notamment au niveau de la Grande barrière de corail[41] et en Indonésie[6]. Dans les années 1970, l'Australie avait réagi en organisant de vastes campagnes de ramassage (privées et publiques), alors que l'Indonésie n'a jamais mis en œuvre les moyens nécessaires au contrôle de la situation. La multiplication de ces prédateurs dans le « triangle corallien » pacifique, une zone particulièrement importante pour la biodiversité marine inquiète les spécialistes de la biologie marine[42], d'autant plus que cette zone concentre les trois quarts des espèces marines du monde, dont plus de 600 sortes de coraux[43].
Cependant, les critères de population normale et d’invasion restent difficiles à établir : le repère subjectif souvent utilisé reste la densité d'acanthasters à partir de laquelle la vitesse de destruction du corail devient manifestement supérieure à sa capacité de réparation. Dans les programmes de comptage systématiques menés en Australie (Green Island en 1980 par exemple[44]), cela représentait 100 adultes/km2[45]. Dans les études sous-marines de moindre ampleur, l'unité utilisée est souvent le nombre d'individus repérés par minute de plongée : à partir de deux acanthasters/minute, on considère que la population est anormalement élevée[46]. Potts définit ainsi une invasion : « agrégation de plusieurs centaines ou milliers d'individus qui persistent à forte densité pendant des mois ou des années et causent de fortes mortalités des coraux sur des grandes étendues[11]. »
De même, l'appellation « espèce invasive » n'est pas réellement adaptée pour l'acanthaster, dans la mesure où ses « explosions de population » ont presque toujours eu lieu sur des sites où elle était présente depuis longtemps, avec une densité de population « normale ». Elle représente donc l'une des rares espèces invasives sur son lieu de vie naturel, ce qui en rend difficile la classification dans les programmes de lutte et l'identification de ces invasions[11].
Il existe plusieurs théories au sujet de cette explosion de population et le débat dans le monde scientifique est ouvert. Voici les principales hypothèses énoncées :
La théorie actuellement majoritaire dans le milieu scientifique[30],[28] est cependant que ces explosions de population seraient surtout liées à l'efflorescence de micro-algues qui résulterait du développement de l'agriculture, et qui perturberait le réseau trophique.
Par ailleurs, l'argument de la surpêche des prédateurs semble bien faible étant donné la pression de prédation presque négligeable qu'ils exercent sur les adultes, et le taux de fécondité extrême de la population : un seul couple suffirait en effet à reconstituer toute la population, avec plusieurs millions d’œufs à chaque ponte. Ainsi, le moteur des invasions ne serait pas à trouver dans la population adulte, qui quelle que soit sa densité produira toujours un nombre d’œufs astronomique, mais dans le taux de survie des larves jusqu'à l'âge adulte, période pendant laquelle la mortalité est supérieure à 99,9999 %[51], la plus imperceptible variation de ce taux suffisant à entraîner une invasion massive. C'est pourquoi les campagnes d'« éradication » sont considérées comme vaines, les associations pouvant tout au plus « nettoyer » une petite aire protégée des acanthasters adultes qui la menacent, mais en aucun cas endiguer le flux permanent de milliards de larves[30]. Et encore : en 1980, une équipe nombreuse aidée par l'armée tenta en vain, pendant plusieurs mois, de protéger le célèbre spot de plongée de Green Island sur la Grande Barrière de corail, mais l'invasion finit par submerger la capacité d'élimination des équipes, d'autant plus que le front d'étoiles de mer avançait autant de jour que de nuit[45].
Les effets des invasions d'acanthasters sont très variables. Une étude du réseau ReefCheck menée sur environ 400 km de longueur du tiers médian de la grande barrière de corail a montré que, 8 ou 9 ans après le début d'une invasion, jusqu'à 60 % du récif était affecté, surtout dans sa partie externe, et jusqu'à 10 % était entièrement décimé[11] ; le taux de couverture corallienne est par endroits passé de 78 % à 2 % en six mois[6]. Selon une étude de 2013[42] (confirmée en 2016[5]), ces étoiles constitueraient la principale cause de mortalité du corail en Indonésie, avec des taux de mortalité dépassant 50 % sur de nombreux sites.
En Polynésie française, l'île de Moorea a perdu plus de 96% de sa couverture corallienne à cause des acanthasters entre 2005 et 2010[5].
La résilience après cela est lente : les scientifiques estiment qu'il faudrait 12 à 15 ans pour que les coraux à croissance rapide recolonisent l'espace et 50 ans pour ceux à croissance lente, en admettant qu'aucune nouvelle invasion ou perturbation ne survienne[6], les coraux jeunes étant plus vulnérables que les grosses colonies[52]. Les conséquences ne se limitent pas aux coraux : on a remarqué que lors d'une invasion d'acanthasters, les populations de poissons corallivores diminuaient, au profit des espèces herbivores[6], modifiant ainsi durablement la composition de l'écosystème[53].
Depuis les premières grandes invasions modernes, notamment en 1969 sur la grande barrière de corail australienne et sur l'île de Guam, de nombreux gouvernements ont mis en place des programmes de lutte contre les acanthasters, sans jamais parvenir à contrôler de manière durable la population[45].
Les chiffres sont parfois impressionnants : en 1969, 240 000 individus ont été pêchés à Okinawa, puis 354 470 à Ngadarak (Palaos) en 1977[14]. En 1980, on en récolta 490 000 étoiles à Samoa[6]. Au total, 13 millions d'acanthasters furent pêchées aux îles Ryūkyū entre 1970 et 1983 (dont 6 millions pour la seule Okinawa), pour un coût total de près de trois millions de dollars[14],[54]. Dans tous les cas, ces opérations n'ont pu aboutir qu'à la limitation relative et provisoire de la population sur certains secteurs (aires marines protégées, spots de plongée…), mais n'ont jamais ébranlé le potentiel invasif de l'espèce[45], d'autant plus qu'à la moindre menace, les acanthasters libèrent leurs millions d’œufs en quelques secondes.
Plusieurs méthodes sont utilisées pour le délicat contrôle de la population de cet animal imposant et dangereux[55] :
Le succès des campagnes d'éradication est étroitement lié au nombre d'individus en cause (de part et d'autre), mais aussi à la topographie du site (superficie, accessibilité, isolement) et de la saison, étant impératif de procéder avant la période de fertilité[59].
Cette espèce a inspiré deux Pokémon dans la série de jeux vidéo japonais éponyme : Vorastérie et Prédastérie (en anglais : Mareanie et Toxapex). Tous deux sont décrits comme se nourrissant du Pokémon corail Corayon (en anglais : Corsola), et se défendant au moyen des piquants venimeux sur leurs bras[60].
Acanthaster vient du grec acanthos (épine) et aster (étoile) : le genre signifie donc « étoile épineuse ». Le nom planci vient du naturaliste italien Giovanni Bianchi alias Janus Plancus[1].
En français, on l'appelle communément « couronne d'épines », « Couronne du Christ », « acanthaster pourpre » ou plus malicieusement « coussin de belle-mère », et depuis la médiatisation des phénomènes invasifs on entend souvent l'appellation « étoile de mer dévoreuse de corail ». En anglais elle est généralement nommée Crown-of-thorns starfish (plus rarement Coral-eating starfish), traduit tel quel dans la plupart des langues européennes : Stella corona di spine en italien, Estrella de mar corona de espinas en espagnol et Dornenkronenseestern en allemand[61]. Son nom polynésien est Taramea, et on l'appelle Bula aux Fidji, Rrusech au Palau, et Alamea aux îles Tonga et Samoa[6].
L'acanthaster possède de nombreux noms dans tous les pays où elle est présente, ce qui a permis aux chercheurs d'avoir une idée des lieux d'invasions anciennes. Charles Birkeland a ainsi pu cartographier les îles de l'indopacifique où cette espèce était distinguée par les populations locales des autres étoiles de mer, signe selon lui d'invasions historiques ; le résultat de ce relevé fut utilisé pour vérifier la liste des facteurs de risques qu'il avait établie dans le même article : « Les habitants des îles montagneuses ont souvenir d'invasions anciennes, connaissent des traitements traditionnels pour soigner les piqûres d'A. planci, et utilisent des dénominations spécifiques pour A. planci. Les habitants des atolls n'ont pour leur part aucun souvenir d'invasions et nomment A. planci avec des termes génériques désignant indistinctement toutes les étoiles de mer[14] ».
Le premier scientifique occidental à avoir découvert cette espèce fut Georg Everhard Rumphius en 1705 (qui la nomma Stella marina quindecium radiotorum, « étoile de mer à quinze bras rayonnants »), mais elle ne fut réellement décrite qu'en 1758 par Carl von Linné[6], qui la nomma Asterias planci à partir d'illustrations rapportées par les naturalistes italiens Plancus et Gualtieri en 1743. C'est Paul Gervais qui fixa le nom du genre « Acanthaster » en 1841.
Cette espèce a connu plusieurs synonymes taxinomiques : Asterias planci Linnaeus, 1758, Asterias echinites Ellis & Solander, 1786, Acanthaster echinites (Ellis & Solander, 1786), Asterias solaris Schreber, 1793, Acanthaster solaris Schreber, 1793, Stellonia echinites L. Agassiz, 1836, Asterias echinus Gervais, 1841, Acanthaster echinus Gervais, 1841, Acanthaster mauritiensis de Loriol, 1885, et Acanthaster pseudoplanci Caso, 1962[19].
Acanthaster planci est classée au sein de l'embranchement des échinodermes, dans la classe des Asteroidea (étoiles de mer). Elle fait partie de l'ordre des Valvatida depuis 2011, après avoir été longtemps classée comme Spinulosida (étoiles épineuses, mais qui n'ont pas de pédicellaires, contrairement aux acanthasters).
Le genre Acanthaster est, selon les connaissances actuelles, le seul représentant de la famille des Acanthasteridae (y compris dans le registre fossile), et la famille la plus proche semble être celle des Oreasteridae[62], famille de grosses étoiles tropicales (les « étoiles-coussins »), qui comporte d'autres espèces pouvant se nourrir de corail, comme celles du genre Culcita. Des fossiles de l'Eocène présentent des étoiles d'apparence oréastéride relativement proches morphologiquement des acanthasters, suggérant un taxon basal[62].
Il y a débat parmi les scientifiques quant aux espèces à inclure dans ce genre. Ainsi, l'espèce la plus proche d'Acanthaster planci serait, selon les sources, soit Acanthaster ellisi[63] (souvent considérée comme une simple sous-espèce du Pacifique Est), soit Acanthaster brevispinus[64],[65], espèce beaucoup plus rare, caractérisée par des piquants plus courts et nombreux sur le disque central, et qui semble préférer les substrats meubles et une alimentation plus omnivore. La possibilité d'hybridation entre les trois « types » d'acanthasters rend la détermination cladistique d'autant plus difficile[66].
Hybride de laboratoire d’A. planci et A. brevispinus[66].
La distinction d'Acanthaster planci en sous-espèces est donc encore peu claire[33],[67], et la corrélation entre les coloris et la zone géographique semble complexe, étant donné qu'une même population peut comporter une grande diversité de robes entre les individus, et que les larves ont un potentiel migratoire assurant un important brassage génétique à grande échelle. Au moins quatre groupes génétiques distincts ont été identifiés : Mer Rouge, Océan Indien sud et ouest, Océan Indien nord et est, et Pacifique[33].
Haszprunar, Vogler et Wörheide proposent depuis 2017 de diviser l'espèce en 4[68] :
L'espèce pacifique se caractériserait par une couleur plus souvent grisâtre et moins de bras (encore moins, pas plus de 14, pour l'espèce de Mer Rouge), et la « vraie » A. planci serait la seule avec une livrée fixe, bleue et violette. Cependant la diversité des robes et des tailles interdit toute généralité visuelle sur ces espèces, et si leur statut est en voie de confirmation, elles n'ont pour le moment aucune clef fiable de détermination autre que génétique (ou géographique)[68]. Cette nouvelle division, si elle demande encore à être confirmée, commence progressivement à être utilisée dans la littérature scientifique, notamment l'appellation « Acanthaster cf. solaris » pour les spécimens du Pacifique[5].
Acanthaster planci planci, typique de la forme du nord de l'océan Indien (ici à Koh Lanta)
Acanthaster « mauritiensis », typique de l'océan Indien du sud (ici à La Réunion).
Acanthaster « solaris », typique du Pacifique (ici à Guam).
Couronne du Christ, Coussin de belle-mère, Acanthaster pourpre
L’acanthaster pourpre (Acanthaster planci) est une espèce d’étoiles de mer de couleurs vives, de la famille des Acanthasteridae, de la classe des Valvatida (anciennement Spinulosida). Elle est aussi appelée « couronne du Christ » ou « couronne d’épines » ou encore « coussin de belle-mère »,.
Cette espèce carnassière vit dans les récifs coralliens de la zone tropicale du bassin Indo-Pacifique ; elle se nourrit presque exclusivement de corail. De dimensions imposantes, de couleurs et de morphologie variables, elle est dotée de piquants dont le venin, qui provoque la nécrose des tissus, est toxique pour un grand nombre d’espèces, l’Homme y compris, ce qui lui fait craindre peu de prédateurs. Sa capacité de reproduction est très importante, les femelles pouvant produire plusieurs dizaines de millions d’œufs par saison. Les larves, planctoniques, sont particulièrement mobiles et peuvent dériver sur des centaines de kilomètres.
L’acanthaster est ainsi connue pour être localement une espèce invasive à fort potentiel de destruction sur les récifs coralliens, dont elle consomme les polypes en grande quantité, et elle a fait l’objet de tentatives d’éradication dans certaines régions du monde telles que le Japon ou l’Australie. Les facteurs à l’origine de ces invasions sporadiques des récifs par cette étoile de mer étaient encore à l’étude en 2016.