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Rat-taupe nu ( French )

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Heterocephalus glaberHétérocéphale

L'Hétérocéphale (Heterocephalus glaber), aussi appelé Rat-taupe nu ou Rat-taupe glabre est la seule espèce du genre Heterocephalus et de la sous-famille des Heterocephalinae. C'est une espèce de petits rongeurs, présente en Afrique de l'est (Somalie, Kenya, Éthiopie) et remarquable sur plusieurs points dont son organisation sociale, sa régulation de température limitée, sa capacité de reproduction, sa résistance aux maladies (cancers...) ou encore sa longévité qui peut dépasser 30 ans en captivité.

Description

Le rat-taupe mesure de 8 à 33 cm de long auxquels s'ajoute une queue pouvant aller jusqu'à 8 cm. Sa masse peut varier de 28 g à 1,5 kg[1].

Les rats-taupes nus ont une tête aux muscles de la mâchoire particulièrement développés, avec de grandes incisives proéminentes qu'ils utilisent pour forer leurs galeries. Une très grande partie de leur cerveau est d'ailleurs dévolue au contrôle et à la sensibilité de la bouche. Leurs yeux sont pratiquement atrophiés et leurs oreilles minuscules se limitent à une petite ouverture qu'ils peuvent obturer pour éviter que la terre y pénètre.

Ils sont pratiquement glabres, à la peau rosée et translucide, à l'exception de la tête et de la queue qui possèdent des vibrisses (longs poils sensitifs) et des pattes qui portent des poils entre les orteils, ce qui leur confère un aspect esthétique assez impressionnant en comparaison avec d'autres espèces de rongeurs.

Adaptés à leur mode de vie souterrain, leurs capacités visuelles sont atrophiées mais leur odorat et leur ouïe sont bien développés. Ils sont aussi particulièrement sensibles aux vibrations du sol et aux courants d'air.

Mode de vie

Le Rat-taupe nu est l'une des deux seules espèces connues de mammifères eusociaux[2], l'autre étant le Rat-taupe de Damara (Cryptomys damarensis). Son système de colonie rappelle celui des insectes sociaux comme les fourmis, les termites et les abeilles : une unique et énorme reine s'occupe de la reproduction, et les autres individus sont répartis en différentes classes, comme les ouvrières, les nourrices, les soldats et le harem de mâles. Une colonie comprend de 70 à 300 individus. Leur fonctionnement social particulier fait que les individus à l'intérieur d'une colonie sont très proches génétiquement, étant tous issus de la même mère et d'une poignée de mâles reproducteurs.

Ces animaux sociaux coopèrent pour le forage des galeries et le déblaiement de la terre, avec une répartition précise des rôles et pour certains un système de roulement.

Ils n'ont que peu de prédateurs, notamment des serpents comme Rhamphiophis oxyrhynchus et Eryx colubrinus et des rapaces. Leur plus grand ennemi est le froid. En effet, comme ils vivent dans des galeries où la température est stable, ils ne produisent pas de chaleur pour réguler la température de leur corps, ce qui diminue considérablement leurs besoins nutritifs. Pour limiter leur déperdition de chaleur lors des baisses de température, ils se regroupent en masse.

Particularités remarquables

Longévité exceptionnelle

Le rat-taupe nu peut vivre une trentaine d'années[3] en captivité[4]. Les souris, elles, vivent en moyenne 4 ans. Les scientifiques expliquent cette durée de vie exceptionnelle par une immunité du rat-taupe nu contre le cancer, les maladies cardio-vasculaires et la dégénérescence nerveuse.

La résistance au cancer serait due à deux facteurs. Le premier est la particularité unique parmi les mammifères de pouvoir régénérer ses neurones[5] du système nerveux central après une lésion axonale, comme le font les poissons et les grenouilles. Le second facteur est l'adaptation génétique du rat-taupe à son environnement souterrain. En effet, le rat-taupe nu produit une grande quantité d'acide hyaluronique qui rend sa peau plus élastique et épaisse et lui évite de se blesser lors de ses activités dans les tunnels[6]. La relation entre la forte concentration d'acide hyaluronique et l'absence de tumeurs malignes chez le rat-taupe nu est démontrée, en 2013, par Vera Gorbunova et Andrei Seluanov de l'université de Rochester, à New York, dans une étude publiée dans Nature[7]. D'abord intrigués par l'aspect visqueux des cellules étudiées, ils se sont rendu compte que la masse moléculaire de l'acide hyaluronique présent chez le rat-taupe nu est cinq fois supérieure à celle de l'Homme ou de la souris. Cette substance agit comme une sorte de cage autour des molécules de la matrice extracellulaire et isole ainsi le développement de tumeurs potentielles[8]. Afin de vérifier leurs hypothèses, les chercheurs ont séquencé le génome du rat-taupe nu dans le but d'isoler le gène responsable de la production d'acide hyaluronique et ensuite d'en bloquer la production. Une fois la production stoppée, des tumeurs se développent et le rat-taupe nu n'est plus immunisé contre le cancer[9]. En second lieu, la biosynthèse des protéines dans les cellules du rat-taupe nu serait presque parfaite, laissant très peu de place à l’erreur[10]. Toutefois, en 2016, deux individus vivant en captivité ont tout de même développé un cancer[11].

Le risque de mortalité du rat-taupe nu demeurant constant au cours de la vie de l'animal, l'espèce est classée parmi celles qui ont une sénescence négligeable[12].

Insensibilité à la douleur

Les rats-taupes nus semblent par ailleurs souvent insensibles à la douleur, ne produisant pas le neurotransmetteur de la douleur appelé « substance P » : les tests réalisés avec des acides, des brûlures ou d'autres types d'agressions n'ont provoqué aucune réaction de fuite chez ces animaux. La douleur peut cependant leur être induite par voie chimique, les rats-taupes produisant des récepteurs fonctionnels à la substance P : il suffit de la leur administrer pour provoquer une réaction de douleur.

Il a été proposé que ce caractère soit relié à l'environnement faible en O2 et riche en CO2 du rat-taupe nu[13]. Ces rongeurs vivent en groupes relativement importants confinés dans des tunnels peu ventilés[14]. Une concentration élevée en CO2 pouvant mener à l'acidose des tissus, certains chercheurs suggèrent que l'insensibilité des nocicepteurs à l'acide leur permette d'éviter les douleurs autrement engendrées[13].

Privation d'oxygène

Les rats-taupes nus sont capables de survivre à une privation totale d'oxygène pendant 18 minutes[15]. Ils perdent connaissance, mais retrouvent une activité normale et sans séquelles une fois l'air revenu[16]. Cette particularité serait due à un métabolisme spécifique du fructose, qui le transforme en énergie sans utiliser d'oxygène[17],[18].

Reproduction

La constitution du groupe est remarquable pour un mammifère, une seule femelle, la « reine », étant reproductrice. Elle s'accouple avec un groupe de quelques mâles reproducteurs (un à trois mâles, ses frères ou ses fils)[19] avec lesquels elle entretient des relations stables. Son corps est complètement déformé pour pouvoir accueillir des portées prolifiques : beaucoup plus grosse que les autres membres de la colonie, elle est grabataire pendant ses (fréquentes) gestations, et sa colonne vertébrale est arquée pour augmenter la capacité de son utérus. Les autres individus de la colonie participent à l'élevage des jeunes (comportement alloparental (en) qui serait acquis sous l'influence d’une hormone, l'estradiol, en ingérant les matières fécales de la reine)[20], au percement des galeries, à la récolte de nourriture et défendent le système de terriers. Les « soldats », les « ouvriers » et les autres rôles sont morphologiquement distincts (on parle de « polymorphisme social »), cas unique parmi les vertébrés. Les capacités sexuelles des membres non reproducteurs de la colonie sont bloquées par les phéromones, contenues dans l'urine de la reine, et par son agressivité.

La gestation est d'environ 70 jours et la reine peut avoir 5 portées par an. La taille des portées est d'une douzaine de petits mais peut monter jusqu'à 27 (nombre le plus élevé jamais observé chez des mammifères).

L'espérance de vie dans la nature est inconnue, mais elle est supérieure à 20 ans, voire 30 ans en captivité[21], sans que les limites en soient actuellement connues. Il s'agit d'un record absolu pour un rongeur, à mettre en partie sur le compte de leur métabolisme simple et lent, et de gènes particuliers de résistance au cancer.

Alimentation

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Rat-taupe nu en train de se nourrir

Leur régime alimentaire est végétarien et ils consomment les racines charnues des plantes de savane. Ces racines leur fournissent aussi l'eau dont ils ont besoin, ce qui les dispense de boire (ce qui est exceptionnel chez les vertébrés). Ils peuvent se révéler des ravageurs redoutables si la colonie est installée sous une zone cultivée.

Ils pratiquent la cæcotrophie, comme cela se rencontre chez certaines espèces non ruminantes dont le régime alimentaire est à base de cellulose : pour mieux digérer leur nourriture, ils réabsorbent une partie de leurs déjections, les autres étant nettoyées par des insectes qui vivent en symbiose dans leurs galeries (des carabidés). Ce système leur permet d'optimiser le rendement de leurs apports nutritifs.

Systématique

L'espèce a été décrite pour la première fois en 1848 par le naturaliste allemand Wilhelm Peter Eduard Simon Rüppell, quelques années après avoir créé le genre Heterocephalus. Ce n'est qu'en 1957 que Stuart Omer Landry créa à son tour la sous-famille monotypique des Heterocephalinae pour y classer ces deux taxons.

Selon Mammal Species of the World (version 3, 2005) (28 déc. 2012)[22] et ITIS (28 déc. 2012)[23] :

Le rat-taupe nu dans la fiction

Dans la série télévisée d'animation Kim Possible, diffusée entre 2002 et 2007 sur Disney Channel, l'héroïne est accompagnée d'un rat-taupe nu nommé Rufus[24]. On le retrouve aussi dans les téléfilms d'animation dérivés de la série, Kim Possible : La Clé du temps (2003)[25] et Kim Possible, le film : Mission Cupidon (2005)[26].

Les jeux Fallout: New Vegas et Fallout 4 intègrent, parmi nombre de créatures mutantes, des rats-taupes géants.

Notes et références

  1. (en) « Naked Mole Rat », sur www.nationalgeographic.com (consulté le 26 juillet 2013)
  2. (en) M. Justin O'Riain et Chris G. Faulkes, « African Mole-Rats: Eusociality, Relatedness and Ecological Constraints », dans Judith Korb et Jürgen Heinze, Ecology of Social Evolution, Berlin, Heidelberg, Springer, 2008 (ISBN 978-3-540-75957-7, DOI , lire en ligne), p. 207-223
  3. « Le rat-taupe nu, remède miracle contre le cancer? », sur www.jolpress.com, 24 juin 2013 (consulté le 24 juin 2013)
  4. « Les superpouvoirs du rat-taupe nu », sur Le Figaro, 5 mai 2017
  5. « Le rat-taupe glabre Anatomie d'un dur à cuire », sur Le Monde, 26 avril 2012
  6. Channtal Fleischfresser, « Cancer: des chercheurs ont peut-être expliqué l’immunité du rat-taupe nu », sur www.smartplanet.fr, 24 juin 2013 (consulté le 24 juin 2013)
  7. (en) Vera Gorbunova, Andrei Seluanov et al., « High-molecular-mass hyaluronan mediates the cancer resistance of the naked mole rat », Nature,‎ 2013 (DOI )
  8. Michel Alberganti, « Le secret du rat-taupe nu contre le cancer », sur www.slate.fr, 20 juin 2013 (consulté le 24 juin 2013)
  9. Virginie Ballet, « Comment le rat-taupe nu échappe au cancer », sur www.liberation.fr, 21 juin 2013 (consulté le 24 juin 2013)
  10. Jorge Azpurua, Zhonghe Ke, Iris X. Chen, Quanwei Zhang, Dmitri N. Ermolenko, Zhengdong D. Zhang, Vera Gorbunova, Andrei Seluanov, « Naked mole-rat has increased translational fidelity compared with the mouse, as well as a unique 28S ribosomal RNA cleavage » (consulté le 12 mai 2014)
  11. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26846576
  12. (en) Peter Stenvinkel et Paul G. Shiels, « Long-lived animals with negligible senescence: clues for ageing research », Biochemical Society Transactions, vol. 47, no 4,‎ 30 août 2019, p. 1157–1164 (ISSN , DOI , lire en ligne, consulté le 21 juillet 2020)
  13. a et b (en) T.J. Park, Y. Lu, R. Jüttner, E. St. J. Smith, J. Lu, A. Brand, C. Wetzel, N. Milenkovic, B. Erdmann, P.A. Heppenstall, C.E. Laurito, S.P. Wilson et G.R. Lewin, « Selective Inflammatory Pain Insensitivity in the African Naked Mole-Rat (Heterocephalus glaber). », PLOS Biology, vol. 6, no 1,‎ 2008, e13 (lire en ligne)
  14. (en) C.G. Faulkes et N.C. Bennet, « Family values: group dynamics and social control of reproduction in African mole-rats. », Trends in Ecology and Evolution, vol. 16, no 4,‎ 1er avril 2001, p. 184-190 (lire en ligne)
  15. « Le rat-taupe nu, une longévité exceptionnelle », sur Futura-Sciences, 2 février 2018
  16. « Survivre sans oxygène : le secret du rat-taupe nu », sur cite-sciences.fr, 21 avril 2017
  17. « Faute d'oxygène, le rat-taupe nu survit grâce au fructose », sur Le Parisien, 21 avril 2017
  18. (en) « Naked mole rats can survive 18 minutes without oxygen. Here’s how they do it », sur sciencemag, 20 avril 2017
  19. Marc Gozlan, « Comment la reine rat-taupe transforme ses servantes en mamans », sur lemonde.fr, 30 août 2018.
  20. (en) Watarai A, Arai N, Miyawaki S, Okano H, Miura K, Mogi K, Kikusui T. Responses to pup vocalizations in subordinate naked mole-rats are induced by estradiol ingested through coprophagy of queen’s feces. Proc Natl Acad Sci U S A. 2018 115 (37) p. 9264-9269
  21. « Les secrets du rat-taupe nu », par Catherine Perrin. Article dans Terre Sauvage n° 278, janvier 2012, p. 4.
  22. Mammal Species of the World (version 3, 2005), consulté le 28 déc. 2012
  23. Integrated Taxonomic Information System (ITIS), www.itis.gov, CC0 https://doi.org/10.5066/F7KH0KBK, consulté le 28 déc. 2012
  24. (en) « Kim Possible (2002-2007) », sur www.imdb.com (consulté le 25 juin 2013)
  25. (en) « Kim Possible: A Sitch in Time (2003) », sur www.imdb.com (consulté le 25 juin 2013)
  26. (en) « Kim Possible: So the Drama (2005) », sur www.imdb.com (consulté le 25 juin 2013)

Voir aussi

Références taxinomiques

Taxinomie

Autres niveaux taxinomiques
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Heterocephalus glaber • Hétérocéphale

L'Hétérocéphale (Heterocephalus glaber), aussi appelé Rat-taupe nu ou Rat-taupe glabre est la seule espèce du genre Heterocephalus et de la sous-famille des Heterocephalinae. C'est une espèce de petits rongeurs, présente en Afrique de l'est (Somalie, Kenya, Éthiopie) et remarquable sur plusieurs points dont son organisation sociale, sa régulation de température limitée, sa capacité de reproduction, sa résistance aux maladies (cancers...) ou encore sa longévité qui peut dépasser 30 ans en captivité.

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