Debaryomyces hansenii est une levure de la famille des Saccharomycetaceae, proche de Saccharomyces cerevisiae. Elle présente un intérêt particulier en raison de ses facultés d'adaptation à de nombreux milieux[1] et de ses possibilités d’utilisation biotechnologique[2].
L'espèce a été décrite sous de nombreux synonymes[3], par exemple:
Les outils de biologie moléculaire ont permis de décrire un complexe d'espèces cryptiques comprenant[8]:
"Candida famata" peut désigner l'anamorphe de D. hansenii, c'est-à dire sa forme imparfaite, non "sexuée", principalement dans les études concernant sa pathogénicité éventuelle[8]. Le "complexe Candida famata" inclut par ailleurs Debaryomyces nepalensis et D. fabryi[9].
D. hansenii est particulièrement tolérante aux variations de salinité et d’osmolarité. Elle se développe dans les milieux hyper-salés, comme le Grand Lac Salé dans l’Utah[10], et elle peut coloniser la surface de plantes désertiques dans la région de la mer Morte[11]. Elle supporte les basses températures, et elle a été retrouvée dans le sol du désert le plus froid et le plus sec de la planète, les Vallées sèches de McMurdo dans l'Antarctique[12]. Mais elle colonise également des milieux riches en éléments nutritifs comme l’intestin des poissons[13] ou des oiseaux[14], et elle est présente dans de nombreux aliments traditionnels, par exemple des fromages[15] et des olives fermentées[16]. Elle peut survivre en milieu très acide (pH 2)[17] ou alcalin (pH 10)[2]. Cette espèce comporte des souches de « levures tueuses » (« killer yeasts », voir "Levure", 4.2 Caractéristiques génétiques), capables de sécréter des substances antagonistes qui leur confèrent un avantage dans la compétition microbienne contre d’autres levures ou moisissures[18].
Cette espèce a besoin d'ions sodium ou potassium pour maintenir son osmolarité et pour exprimer son activité "tueuse"[19]. Elle se multiplie plus rapidement lorsque la concentration en sel atteint 1 M de NaCl, soit environ 58 g par litre, et elle peut être cultivée en milieu très salé (jusqu’à 4 M de NaCl)[1]. La présence de glycérol dans le milieu de culture lui permet de supporter cette forte salinité[20]. Elle peut utiliser une grande variété de glucides en présence d'oxygène, mais son activité fermentaire est faible ou nulle, selon les souches[21]. Son aptitude à la fermentation alcoolique est cependant améliorée en présence de sel (1 M de NaCl ou de KCl)[22]. Elle peut produire des protéases[23] et des lipases[24], qui lui permettent de se développer dans des produits alimentaires. Pour un développement maximum, elle requiert 0,1 ppm de pyridoxine[25].
D. hansenii est généralement présente sous la forme de cellules haploïdes qui se reproduisent par multiplication végétative en « bourgeonnant ». Il peut arriver que la cellule « mère » s’apparie avec un de ses « bourgeons » en produisant un noyau diploïde qui se re-divise par méiose pour former le plus souvent une seule ascospore haploïde, parfois deux[26],[6]. L'occurrence de cette méiose fait considérer l'espèce comme possédant une reproduction "sexuée" de type homothallique[27].
Le genre Candida comprend certaines espèces pathogènes, phylogénétiquement proches de D. hansenii, dont la forme imparfaite ("asexuée"), "C. famata", peut elle-même présenter très exceptionnellement un risque infectieux chez des patients immunodéprimés[28].
Malgré la proximité phylogénétique de souches pathogènes, l'utilisation de D. hansenii est généralement autorisée pour des applications concernant l'industrie chimique, l'agronomie et l'alimentation[29],[30]. Cette espèce contribue au développement de l'arôme de nombreuses préparations alimentaires, en particulier des fromages affinés[31] et de la charcuterie fermentée (voir "saucisson sec")[32].
Le "complexe D. hansenii-C. famata" appartient à un groupe de levures capables de synthétiser en excès la riboflavine (vitamine B2, utilisée en outre comme colorant alimentaire), à condition de limiter la concentration en fer dans le milieu de culture. Certaines souches de C. famata peuvent ainsi accumuler 20 g de riboflavine par litre de milieu[33]. D. hansenii est utilisée pour produire du xylitol, un édulcorant pour préparations alimentaires, qui peut également servir de médicament contre certaines maladies[34],[35]. L'espèce pourrait produire d'autres médicaments, par exemple en lui faisant hydrolyser la caséine du lait pour obtenir des peptides efficaces contre l'hypertension[36]. De nombreuses enzymes pourraient être produites à partir de cette levure, comme une superoxyde dismutase qui a fait l'objet d'une attention particulière pour ses applications possibles en tant que médicament et antioxydant pour l'industrie agro-alimentaire[37], ou une bêta-glucosidase capable d'augmenter par hydrolyse la teneur du soja en isoflavones aglycones, principes bioactifs plus facilement absorbables dans l'intestin que leurs formes hétérosides[38].
Les souches "tueuses" pourraient être mise à profit pour lutter contre les espèces pathogènes du genre Candida[39], ainsi que contre d'autres champignons responsables de mycoses[40]. Elles peuvent aussi avoir des applications en agriculture biologique, par exemple pour lutter contre Penicillium italicum[41] et Penicillium digitatum[42], moisissures attaquant les agrumes, ou plus généralement, pour prolonger la conservation des fruits après cueillette[43], ainsi que pour protéger des produits laitiers[44] ou charcutiers[45].
En tant qu'hôte naturel de l'intestin de nombreuses espèces animales, cette levure a fait l'objet de recherches en vue d'applications probiotiques, en particulier pour des espèces d'intérêt aquacole telles que des poissons[46], des crevettes[47] et des ormeaux[48]. L'amélioration de la santé des animaux recevant un aliment qui contient une souche probiotique de D. hansenii semble due en particulier à une stimulation des défenses immunitaires[49],[50] et antioxydantes[51].
D. hansenii pourrait être employée dans des procédés de dessalement de l'eau de mer[52]. Elle pourrait également permettre de traiter des eaux usées issues de l'industrie agro-alimentaire, par exemple en détoxifiant des composés phénoliques rejetés lors de la production d'huile d'olive[53].
Debaryomyces hansenii est une levure de la famille des Saccharomycetaceae, proche de Saccharomyces cerevisiae. Elle présente un intérêt particulier en raison de ses facultés d'adaptation à de nombreux milieux et de ses possibilités d’utilisation biotechnologique.